Mon père en cage

Je le vois penché sur lui-même
il doit penser à sa vie de bohême
une vie dont jamais il ne regretta
les dérapages et les fracas. 

Mais que sais-je vraiment de lui
il a tout fait pour qu'on oublie,
si seulement il s'était confié
mais aurais-je pu lui pardonner?

Jamais je ne voyagerai autant
il a vu le monde et ses excréments,
l'homme sous ses plus mauvais jours
et en fut marqué pour toujours.

Qui suis-je pour le juger ainsi?
qu'aurais-je fait si comme à lui
on avait mis dans mes mains
un fusil trop lourd pour un gamin.

Il a surement pleuré, souvent,
les larmes d'un caprice d'enfant
qui au début ne comprend pas
qu'il faut tirer, sans autre choix.

Mon cher pays si tu savais
à quel point je t'en veux et te hais
d'avoir ainsi, au nom du drapeau
fait de leur existence un chaos.

Je crois qu'il a tout vu, tout connu
bien pire encore que les obus,
que les assauts répétés d'en face 
ou il survivait noyé dans la masse.

Maintenant je pense avoir compris
d'ou vient ma haine et mon mépris
s'il m'avait dit droit dans les yeux
qu'il voulait se libérer dans un aveu.

Me dire à quel point il regrettait
tous les tourments qu'il infligeait,
que tous ces êtres exterminés
n'étaient pas le fruit de sa volonté.

Je ne connais rien de ses voyages
il était pris dans l'engrenage
était-il convaincu par sa violence?
son fusil connaissait-il l'abstinence?

Cela fait sept ans qu'il n'est plus là
il s'est éteint, il est parti là-bas
rejoindre tous ceux qui un jour
ont croisé son regard, sans billet retour

Son jugement se fait dans mes pensées
mais c'est de son sang que je suis né
alors je ne dresserai aucune potence
révéler tout ça, c'est un peu ma sentence.

Mon calvaire à moi c'est de savoir
que si je devais sans le vouloir
vivre à l'époque ou il vécut
je ferais peut-être de même, s'il avait su . . .



               Fab